Troubles dans le travail
Sociologie d'une catégorie de pensée

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Language: French
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Publication date:
352 p. · 14.9x21.1 cm
Que faisons-nous au monde ? Au centre de cette interrogation anxieuse, aux dimensions écologiques, sociales et existentielles, trône « le travail ». Pilier de notre société, il est dans toutes les bouches, que ce soit pour en vanter la valeur ou le conspuer, souhaiter son extension, sa transformation ou sa disparition. Dans ces débats passionnés, nous peinons cependant à nous accorder sur ce qu'il désigne. Par exemple, peut-on dire qu'une aidante familiale, un stagiaire, un youtubeur, une bénévole, un chien d'aveugle, un manager placardisé, un algorithme, un inconscient, une somme d'argent ou encore une vache laitière « travaillent » ? Ce livre offre de regarder « le travail » en tant que catégorie de la pensée et de la pratique, historiquement construite. En dix siècles, le mot a pris trois significations principales dans les usages ordinaires, scientifiques et institutionnels. Il a servi à désigner la peine que l'on se donne pour produire des choses utiles, dans le cadre d'un emploi dont on peut vivre. Or la société actuelle regorge de pratiques qui désarticulent l'activité, la production utile et l'emploi rémunéré. Le trouble est donc jeté sur la catégorie de pensée « travail », mettant en question la valeur qui lui est accolée et les institutions qui portent son nom. Cet ouvrage documenté ébranle les évidences et pointe les juteuses équivoques sur le sens du mot « travail ». Il propose de le déplier afin d'équiper plus finement la pensée et l'action.
Introduction.?Une catégorie de la pensée et de la pratique  PREMIERE PARTIE : GENEALOGIE DE LA CATEGORIE DE PENSEE « TRAVAIL » Chapitre 1.?S'équiper pour faire une sociologie des catégories de pensée Lunettes théoriques Des mots incorporés, qui nous paraissent naturels Les catégories sont socialement construites Elles expriment un état de la société Elles s'imposent à nous et outillent notre pensée Des catégories de la pensée aux catégories de la pratique La différence d'avec un concept De la difficulté de dénaturaliser « le travail » Comment penser le cadre en étant dans le cadre ? Un geste subversif Résistances des professionnels « du travail » Un rapport subjectif au signifiant « travail » Approche méthodologique Attraper ce qui est ubiquitaire ? Les dictionnaires de la langue courante Repérer les usages institutionnels Usages dans les textes savants Circulation entre ces trois sphères Chapitre 2.?Lorsque le « travail » n'existait pas Éviter les chausse-trappes Dépasser le discours du XIXe siècle Généralisations délicates et sources lacunaires Catégories de pensée antiques Ergon et ponos : l'acte et l'effort Valorisation de l'activité et des savoir-faire depuis l'époque archaïque Justification de l'ordre social esclavagiste à l'époque classique L'invention du travail abstrait dans le droit romain Les mots traduits par « travail » dans la Bible Action, oeuvre, métier Modestie et pauvreté Chapitre 3.?Le labeur au Moyen Âge : une nécessité vertueuse Débats sur l'étymologie La torture ? Poutre, catafalque et machine du maréchal-ferrant Travail, obstacle à franchir « L'idée de transformation acquise par l'effort » Accepter le labeur : l'idéologie chrétienne du travail Une société d'ordres Un ordre divin Chapitre 4.?Le « travail » du capitalisme marchand et colonial (XIVe-XVIIIe siècle) Mise en place de trois significations sociales du « travail » « La peine que l'on se donne pour faire quelque chose » Le « travail » comme résultat de l'activité, ouvrage Source de revenus pour la subsistance Valorisation morale de l'action lucrative La percée de la bourgeoisie Justifier les pratiques par une éthique Le « travail » des institutions royales : criminaliser l'oisiveté L'apparition du « travail » dans la pensée théorique Un mot-clé dans l'économie politique naissante Le travail enchanté des Lumières Chapitre 5.?Le « travail » du capitalisme industriel salarial (1789-1945) L'institutionnalisation du « travail » De la « liberté du travail » au « Code du travail » L'emploi se désencastre (mais pas toute l'activité) Les « travailleurs » et le « travail » vus de l'Église à la fin du XIXe siècle L'organisation scientifique du travail (Taylor) Pénétration sociale du « travail » comme catégorie polymorphe Le travail au coeur des pensées disciplinaires Ancrage confirmé dans la pensée économique Le travail abstrait des sciences physiques Les usages du « travail » par les philosophes allemands du XIXe siècle Les catégories de « travail » dans l'oeuvre de Marx Les trois sens du mot chez Freud Le travail comme objet sociologique Les sciences « du travail » au début du XXe siècle Le « travail », mot-clé et polysémique des sciences Les usages sociaux du mot « travail » Le « travail », objet important dans la littérature et le cinéma L'activité : moins de peine, plus de soin L'« ouvrage », encore Un rapport social d'emploi Travail dégradé et valorisé dans le capitalisme industriel XIXe siècle : les employeurs louent le « travail » Le travail comme devoir moral au XXe siècle Valorisation du « travail » même dans les contre-pouvoirs Critiques sociales « du travail » et de son culte Chapitre 6.?Le « travail » de la société de consommation fordiste (1946-1990) Une société « du travail » Fordisme et société de consommation Séparation de la production et de la consommation Division de la pensée et de l'action Éloignement croissant de l'acte et de ses effets Le « travail » dans les institutions : l'emploi « Le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi » La Sécurité sociale : « le travail » se charge d'ambivalences La défense syndicale du « travail » au nom de la solidarité Mouvements sociaux et « droit du travail » Les nouvelles promesses des employeurs Usages disciplinaires éclatés Incertitudes, hésitations et contradictions sur le sens du mot Objet, contexte, concept et spécialité professionnelle Le travail comme « subsistance » et production utile Travail prescrit, travail réel Le travail comme emploi Le « travail domestique » : usage critique de la catégorie dominante Transformations des trois usages sociaux « du travail » Ouvrage réalisé, et effort soutenu, finalisé, productif, utile et coordonné Une occupation professionnelle rétribuée L'imbrication des trois significations Chapitre 7.?Le capitalisme néolibéral depuis les années 1990 Le « travail » des institutions : menaces sur le salariat et promesses de bonheur Stabilité de la norme salariale et de la « valeur travail » L'avenir du « travail » serait la fin du salariat Le « travail » vu des syndicats patronaux Happy ! Le « travail » des employeurs Usages ordinaires : l'utilité définit le « travail » Une activité : un effort productif utile Tâche, manière, ouvrage réalisé et production utile Une activité rémunérée... ou pas Stabilité des significations et multiplication des locutions Critiques du « travail » Les conceptions du « travail » dans les sciences humaines et sociales Accord sur les désaccords Le débat sur la « fin du travail » Le « travail » des économistes orthodoxes Théories du travail comme activité Brouillage des frontières du « travail » et du salariat Chapitre 8.?Une catégorie de pensée problématique Le rapport incertain entre les différentes significations Trois champs de significations Généralisation et restriction Un cumul original, historique et local Incertitudes Quelle valeur ? D'après qui ? Valeurs historiques du « travail » Ce qui compte dans le « travail » : multiplicité des valeurs en jeu La valeur de la valeur change selon le point de vue « Ça dépend » Quels rapports entre ces significations ? L'activité change lorsqu'elle est employée Utile à quoi ? À qui ? Quand ? La norme de production et d'utilité actuelle La subsistance : trois échelles, en rapport Le besoin d'une triple indifférence SECONDE PARTIE : TROUBLES DANS LE TRAVAIL Chapitre 1.?La question de la subsistance dans le capitalocène Des emplois nocifs ou inutiles au coeur du salariat Le syndrome des « bullshit jobs » Même dans les services publics « Eux, ils ne travaillent pas » Voler : une activité professionnelle rémunératrice Le capitalocène : produire contre notre subsistance Conflits, résistances et sorties L'hyperaction dans l'emploi comme esquive du travail psychique « Plutôt faire n'importe quoi que de ne rien faire » Utilisation des défenses par le management La bonne conscience de « travailler beaucoup » « Just do it » : faire sans penser Changer la catégorie de pensée ou les institutions ? Chapitre 2.?Des pratiques utiles et vitales, hors emploi Donner la vie, la maintenir et survivre À l'origine du mot « travail » : faire des enfants Les tâches parentales et domestiques Le care : une activité pénible et utile Valeureuses aidantes familiales Femmes de... Le « travail de subsistance » Le care écologique Le bénévolat Produire pour soi : le coeur ou l'envers du « travail » ? Quand l'emploi salarié a détrôné l'autoproduction Complément Compensation Critique L'enjeu de penser l'autoproduction comme « travail » Produire du sens Faire de la politique : une production utile qui demande de la peine L'inestimable activité psychique Quel emploi de l'activité des vivants non humains ? Les divers emplois de la production d'autres vivants pour notre subsistance Une activité... ... mais pas de Code de l'emploi Hésitations et ambivalences Chapitre 3.?Des revenus sans rien faire Revenus du capital dans le capitalisme financier Revenus de la redistribution Être employé à ne rien faire Les « arrêts de travail » légaux, dans l'emploi Les coulisses de l'activité La placardisation Les emplois fictifs Être payé pour quitter son emploi Esquiver les tâches domestiques grâce à son emploi Chapitre 4.?Guérilla autour du « temps de travail » dans le salariat Les tâches « en plus » Les heures supplémentaires non payées Les transports exigés par l'emploi Les tâches bureaucratiques en plus du « travail normal » Ce qui ne (se) compte pas comme « travail » dans la tâche payée L'oubli gestionnaire du réel Et toi, tu fais comment ? Parler du travail réel, est-ce du « temps de travail » ? Tensions éthiques et morales Simuler et dissimuler des émotions pour rendre service Simuler le bonheur pour se maintenir en emploi Renoncer à ce qu'on aimerait faire au monde Rester employable Chapitre 5.?Faire face à l'hypocrisie de la norme salariale Se constituer comme force de travail « employable » Se former L'activité productive des demandeurs d'emploi Le marketing de soi et le self branding Construire et entretenir un « réseau » Précarisation : la tâche chronicisée de quête d'emploi Produire bénévolement dans l'espoir de décrocher un emploi Les stages : occuper bénévolement l'emploi que l'on convoite « Hope labor » : produire bénévolement en vue d'être employé Accepter des statuts utiles ou profitables dont on ne peut pas vivre Les salariés pauvres Pauvres entrepreneurs L'emploi profitable et productif à prix cassé Les politiques publiques de l'activation Remplacer des professionnels rémunérés par des bénévoles amateurs Des professionnels actifs non reconnus comme « travailleurs » L'emploi non déclaré à l'État La prostitution L'accompagnement sexuel des handicapés Chapitre 6.?Nouveaux modèles économiques La production bénévole réalisée par la foule L'autoproduction dirigée des consommateurs La marchandisation de l'attention et des données La coproduction collaborative Les biotechnologies et l'industrie du vivant Les essais cliniques La « bioéconomie » Quel statut ? Quel droit pour l'emploi du vivant ? Les places de marché numérique : quel statut des prestations à la tâche ? L'entrepreneuriat de soi Des intermédiaires de marché Retour de l'emploi à la tâche, hors salariat Compétition, notation, dépendance économique Peu payés, pas protégés Les robots doivent-ils cotiser à la Sécurité sociale ? Les machines remplaceraient le travail humain et animal Un « travail » sans activité... qui ne relève pas du Code du travail Chapitre 7.?Les usages sociaux de la polysémie Les situations bizarres expriment l'état de la société Éclatement des significations Tectonique des plaques Le jeu de bonneteau avec les valeurs du « travail » Au nom de l'emploi : faire quelque chose pour autre chose L'(auto)exploitation de la valeur intrinsèque de l'activité Au nom de la valeur d'utilité sociale Une confusion bien utile (mais pas à tous et toutes) Un outil de pensée obsolète ? Que faire du « travail » ? Arrêter de « travailler » ? Lutter contre le « travail gratuit » ? Sortir de l'institution du travail ? Faut-il éliminer le mot « travail » dans les sciences ? Faire une « révolution épistémologique » ? Conclusion Bibliographie /Annexe
Sociologue, Marie-Anne Dujarier est professeure de sociologie à l’Université de Paris, chercheure au LCSP et associée au LISE (CNAM /CNRS). Elle est l’auteure de livres remarqués tels que L’Idéal au travail (Puf, 2006; 2e édition, coll. « Quadrige », 2018), Le travail du consommateur (La Découverte, 2014) et Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail (La Découverte, 2016).